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Droit de vote des porteurs de titres super-subordonnées et nullité de l’assemblée des obligataires irrégulière

Com. 21 février 2012, n° 11-11693, Affaire Thomson –Technicolor SA

La société Thomson SA, devenue Technicolor SA en 2010, a été placée sous la procédure de sauvegarde le 30 septembre 2009. L’ouverture de cette procédure avait été précédée de l’échec de l’exécution d’un accord amiable conclu entre la société Thomson et ses importants créanciers, en raison de l’opposition de certains obligataires porteurs de titres super-subordonnés.

Les titres super-subordonnés (TSS), créés par la loi du 1er août 2003, permettent d’apporter des capitaux à une entreprise sans que cette dernière d’augmente leur capital. A la différence des obligations ordinaires qui produisent un intérêt annuel fixe et qui sont remboursés à une date d’échéance, les TSS ne sont remboursables qu’en cas de dissolution de la société après désintéressement des autres créanciers et ne génèrent d’intérêts que si la société émettrice réalise des bénéfices et distribue des dividendes aux actionnaires.

En l’espèce, la société Thomson avait émis des TSS à durée indéterminée le 23 septembre 2005, pour un montant nominal de 500 millions d’euros et cotés sur la Bourse de Luxembourg.

Le 21 décembre 2009, le projet de plan de sauvegarde préparé avant l’ouverture de la sauvegarde dans le cadre de la conciliation a été adopté à l’unanimité par les comités des créanciers et des principaux fournisseurs de la société Thomson.

Ce plan de sauvegarde prévoyait de maintenir le droit au paiement du montant nominal des TSS, mais de payer pour solde des droits à intérêts une somme de 25 millions d’euros, correspondant à environ 6% du nominal des titres.

Conformément aux dispositions de l’article L 626-32 du Code de commerce, ce plan a été soumis à l’assemblée unique des obligataires (l’AUO) du 22 décembre 2009. Cette Assemblée, à laquelle participaient les porteurs des TSS, a alors limité les droits de vote des porteurs de TSS à 6% du nominal de leurs titres, calculé sur la seule base de leurs droits à intérêts futurs.

Le 31 décembre 2009, en estimant avoir été indûment privés de leurs droits de vote au sein de l’Assemblée, les porteurs des TSS ont contesté la régularité de l’AUO qui a adopté le plan à la majorité de 98,77% du montant des créances obligataires.

Par jugement en date du 27 février 2010, le Tribunal de commerce de Nanterre a débouté la demande des porteurs de TSS et a arrêté le plan de sauvegarde, en considérant, d’une part, qu’il serait illogique d’attribuer aux porteurs de TSS des droits de vote correspondant au nominal de leurs titres alors que celui-ci n’est remboursable qu’en cas de liquidation de la société et à la condition que tous les autres créanciers aient été remboursés, et, d’autre part, que les porteurs de TSS n’ont pas vocation à voter au sein de l’AUO dès lors que le projet de plan ne modifiait pas les conditions de remboursement de ce montant nominal.

Sur appel interjeté par certains porteurs de TSS, la cour d’appel de Versailles a, dans son arrêt du 18 novembre 2011, confirmé les dispositions du jugement du Tribunal de commerce arrêtant le plan de sauvegarde, mais en prononçant que le calcul des droits de vote des porteurs de TSS avait été établi sur une base erronée par le Tribunal. Selon la cour, au regard des disposions de l’article L 626-32 du Code de commerce, les porteurs de titres expriment leur vote selon le montant des créances obligataires qu’ils détiennent et l’administrateur judiciaire n’avait pas le pouvoir de priver certains des obligataires de leurs droits de vote en décidant que seule une partie du nominal de leurs titres leur confère un droit de vote. Toutefois, la nullité de la délibération ne pouvait être prononcée, dès lors que les votes des porteurs de TSS, quel qu’ait été le mode de calcul retenu, n’auraient pas d’effet sur la décision de l’AUO (les résultats favorables au plan étant de 82,80% et défavorables de 17,2% si les porteurs de TSS avaient voté en proportion du nominal de leurs titres).

Cette théorie du vote utile adoptée par la cour d’appel de Versailles a été approuvée par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 février 2012.

La Cour a également rejeté le pourvoi des porteurs de TSS tendant à faire exclure leurs créances du plan de sauvegarde, en rappelant que la créance de remboursement du nominal des TSS ainsi que la créance d’intérêts étaient nées à la date du contrat d’émission de ces titres et non à la date de son exigibilité, et, en partant, ces créances constituent des créances antérieures devant être incluses dans le plan.

Par cet arrêt, la Cour de cassation a entériné la pratique du « prepackaged plan (prepack) », le plan approuvé par la majorité des principaux créanciers avant le jugement d’ouverture et qui s’impose aux créanciers minoritaires, consacrée par la Sauvegarde Financière Accélérée (SFA) instituée par la loi du 22 octobre 2010.

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