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Droit des actionnaires ou associés minoritaires – Expertise de gestion et expertise préventive

CA Poitiers, 1er ch. Civ., 4 juin 2010

Aux termes de l’article L.223-37 du Code de commerce, les associés de SARL qui s’estiment insuffisamment informés sur une ou plusieurs opérations de gestion réalisées par le dirigeant social peuvent demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, à conditions qu’ils représentant au moins le dixième du capital (expertise de gestion).  Ce rapport comporte un avis de l’expert sur l’opportunité de l’opération litigieuse et sur les risques encourus par la société du fait de celle-ci, et est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes et au gérant. Il est ensuite annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et reçoit la même publicité.

En raison de cette publicité importante dont fait l’objet le rapport de l’expertise de gestion, la plupart des actionnaires préfèrent l’expertise préventive du droit commun (article 145 du Code de procédure civile), dont la mise en œuvre n’est pas subordonné à une détention minimale d’actions ou de parts sociales (il suffit que le demandeur justifie du motif légitime qu’il a de vouloir conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige) et dont le rapport n’est communiquée qu’à celui qu’il a demandé. Toutefois, ces deux voies judiciaires sont bien distinctes : tandis que l’expertise de gestion relève du droit des sociétés et vise à protéger l’intérêt social par l’intermédiaire de l’action des minoritaires, l’expertise préventive relève du droit procédural et est largement admise dès lors que la conservation de preuve de faits est pertinente et utile pour la solution du litige. Ni le secret des affaires ni le secret professionnel n’est opposable à une demande fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile. Par ailleurs, les deux expertises ne relèvent pas de la compétence de la même juridiction. L’expertise de gestion est statuée par le juge du fond en la forme des référés, alors que l’expertise préventive relève de la compétence du juge des référés dont l’ordonnance est exécutoire de droit. Ainsi, le président du Tribunal de commerce saisi par une assignation en référé n’est pas compétent pour ordonner une expertise de gestion sur le fondement de l’article L.223-37 du Code de commerce, ce qui a été rappelé à l’occasion d’un arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 4 juin 2010.

En l’espèce, la SARL Enora a été constituée entre par un couple en mai 2005, les 800 parts sociales composant le capital étant la propriété du mari pour 401 d’entre elles, et celle de son épouse pour les 399 restantes. La mésentente s’est ensuite installée entre les époux associés, et l’épouse, contestant l’opportunité de diverses opérations de gestion de la société Enora réalisées par son mari, a formé une demande d’expertise devant le juge des référés du Tribunal de commerce de La Roche Sur Yon, lequel a désigné un expert judiciaire par ordonnance du 27 avril 2009 aux fins de vérifier les opérations contestées. La société Enora a interjeté appel de cette décision, en soutenant que le juge des référés n’était pas compétent pour ordonner une expertise de gestion régi par l’article L.223-37 du Code de commerce. En considérant que le juge des référés avait méconnu l’étendue de ses pouvoirs, la cour d’appel de Poitiers a infirmé l’ordonnance du président du Tribunal de commerce ayant rendu une expertise dans les conditions de l’article L.223-37 alors qu’il n’était compétent, en tant que juge des référés, que pour ordonner une mesure d’instruction pour établir la preuve des faits reprochés.

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