Clause de mobilité – Condition de validité de la clause et déplacement temporaire d’un salarié en dehors de sa mobilité géographique prévue par le contrat
Le lieu de travail est un élément essentiel du contrat de travail, mais son changement ne constitue pas une modification du contrat tant que l’évolution du lieu se fait au sein d’un même secteur géographique.
Une clause de mobilité est une clause insérée dans le contrat de travail prévoyant une évolution de lieu de travail au-delà du secteur géographique. Une mutation du salarié opérée en application d’une clause de mobilité n’étant pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur, le refus du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation constitue alors une faute, et un motif réel et sérieux de licenciement.
Selon la jurisprudence, pour être valable, la clause de mobilité doit avoir été acceptée par le salarié de manière claire et non équivoque. Elle doit être rédigée en termes clairs et précis, et être signée par le salarié.
Ainsi, la clause de mobilité géographique doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et elle ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée (Soc. 7 juin 2006, n°04-45846, 12 juillet 2006 n° 04-45396, Soc. 14 octobre 2008, n°06-46400). Ainsi, une clause de mobilité qui ne précise pas sa zone d’application telle que la clause prévoyant une mobilité « dans tout autre établissement secondaire dépendant de l’employeur », « en fonction des nécessités du service », « dans les zones géographiques où l’entreprise exerce son activité » ou « pour les besoins de l’entreprises » sont nulles ; de même une clause conférant à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée telle que « les évolutions dans l’organisation de l’entreprise pourront amener cette dernière à modifier tant l’établissement que le bureau de rattachement ». Le licenciement du salarié ayant refusé sa nouvelle affectation en application de ces clauses est considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
En revanche, une clause de mobilité portant sur « l’ensemble du territoire national » peut être valable lorsqu’elle est claire et précise et est justifiée par la nature des fonctions du salarié (Soc. 13 mars 2013, n°11-28916, 9 juillet 2014, n°13-11906). Dans le dernier arrêt, la Cour de cassation a validé la clause de mobilité prévoyant “compte-tenu de la nature des fonctions, M…. prend l’engagement d’accepter tout changement de lieu de travail nécessité par l’intérêt ou le fonctionnement de l’entreprise dans la limite géographique du territoire français sans que ce changement constitue une modification du contrat de travail” comme précise quant à sa zone géographique d’application et a considéré que le licenciement pour faute motivé par le refus des salariés d’accepter leur mutation de Frouard en Meurthe-et-Moselle à Paris était justifié.
S’agissant du déplacement temporaire du salarié au-delà du secteur géographique où le salarié travaille habituellement ou en dehors des limites prévues par une clause de mobilité, la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation admettait un tel déplacement occasionnel dès lors que la mission est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique. Ainsi, par un arrêt du 22 janvier 2003 (n° 00-43826), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le licenciement d’un chef de chantier dont le contrat de travail ne comportait aucune clause de mobilité pour son refus de se rendre, pendant deux mois, sur un chantier éloigné de la région où il travaillait habituellement était justifié dès lors que la spécificité des fonctions exercées par le salarié impliquait une certaine mobilité géographique.
L’arrêt commenté, en abandonnant le critère de la spécificité des fonctions impliquant une certaine mobilité du salarié, a posé trois conditions cumulatives pour que l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors des limites prévues par une clause de mobilité ne constitue pas une modification du contrat de travail. Désormais, la Cour de cassation exerce un contrôle strict des conditions du déplacement temporaire du salarié par l’employeur.
En l’espèce, le contrat de travail d’une employée de la société Casino cafétéria de Chatou prévoyait que la salariée pouvait être affectée dans tout établissement situé dans la ville de Chatou ou dans les localités limitrophes. Le 1er février 2003, le magasin Casino de Chatou a été cédé à la société Leader Price Chatou qui a fermé l’établissement pour y effectuer des travaux. La salariée concernée, qui était dispensée d’activité tout en étant payée jusqu’en août 2003, a été demandée par son nouvel employeur de reprendre son travail au magasin de Saint-Denis à partir du 1er septembre 2003, et d’occuper à nouveau son poste de travail à Chatou, dès la fin des travaux. La salariée, qui a refusé cette nouvelle affectation temporaire, a été licenciée pour faute grave en raison de son absence injustifiée depuis le 1er septembre 2003. Elle a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et demander des dommages-intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail.
Par un arrêt du 15 janvier 2008, la cour d’appel de Versailles a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif, d’une part, qu’en application de la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail de la salariée, elle ne pouvait être affectée que dans un établissement situé à Chatou ou dans les localités limitrophes, et d’autre part, que la demande du déplacement temporaire adressée à la salariée par l’employeur ne contenait aucune précision quant à la durée précise de son affectation. L’employeur a formé un pourvoi, en citant la jurisprudence de la Cour de cassation de 2003 selon laquelle le déplacement occasionnel du salarié ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors qu’il est justifié par l’intérêt de l’entreprise, au regard des fonctions exercées par le salarié.
Dans un attendu de principe, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur.
Selon la Cour, pour que l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique ne constitue pas une modification de son contrat de travail, cette affectation doit remplir les trois conditions cumulatives suivantes :
(i) motivée par l’intérêt de l’entreprise,
(ii) justifiée par des circonstances exceptionnelles,
(iii) et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible.
La Cour a estimé qu’en espèce, l’affectation occasionnelle de la salariée informé deux jours avant sa nouvelle affectation sans précision quant à sa durée constituait une modification de son contrat de travail que la salariée pouvait refuser.