Réforme de la procédure civile
Modification de l’organisation juridictionnelle
La loi n°2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme sur la Justice du 23 mars 2019 a simplifié la procédure civile et modifié l’organisation judiciaire.
Les tribunaux d’instances et de grandes instances situés dans une même commune ont été fusionnés pour former le « tribunal judiciaire », qui devient la juridiction de droit commun.
A Paris, le tribunal judiciaire se trouve dans le nouveau Palais de justice à Batignolles où a été transféré le tribunal de grande instance en avril 2019.
Le tribunal d’instance situé dans une commune différente du tribunal de grande instance devient une chambre de proximité du tribunal judiciaire, appelé « tribunal de proximité » (COJ article L 212-8).
La loi du 23 mars 2019 a créé également un nouveau juge unique au sein du tribunal judiciaire, appelé le « juge des contentieux de la protection » (JCP). Ce juge hérite un certain nombre de prérogatives de l’ancien tribunal d’instance, et est chargé d’instruire les affaires relatives à la protection des majeurs vulnérables, à l’expulsion, au bail d’habitation, au crédit à la consommation et au surendettement des particuliers (COJ, articles L 213-4-1 et suivants).
Désormais, les fonctions de juge des tutelles des majeurs sont dévolues au JCP tandis que celle des mineurs restent dévolues au JAF (COJ, article L 213-3-1).
Obligation préalable de recourir à un mode alternatif de règlement des différents pour les petits litiges civils devant le Tribunal judiciaire ou le Juge des contentieux de la protection
La loi n°2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme sur la Justice du 23 mars 2019 a généralisé l’obligation, à peine d’irrecevabilité de demande, d’un recours préalable à un des modes alternatifs de règlement des différends (MARD) pour :
- Conflits de voisinage,
Demandes de paiement d’une somme n’excédant pas 5.000 €,
Demandes d’expulsion,
Référé-provision, et
Injonction de payer.
Le demandeur doit donc recourir à un des modes alternatifs de règlement des différends de son choix, à savoir la conciliation par un conciliateur de justice, la médiation telle que définie par l’article 21 de la loi du 8 février 1995, ou à la procédure participative.
L’article 750-1 du Code de procédure civile issu de l’article 4 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 prévoit quatre cas où les parties sont dispensées de l’obligation de recourir à un MARD :
1) Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord, parce qu’un accord a pour effet de mettre fin au litige.
2) Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision. C’est le cas par exemple la contestation d’une décision d’une autorité administrative.
3) Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime. Ce motif légitime peut tenir à :
– l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement
– l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.
4) Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.
Le recours à un MARD en application de ces textes suspend la prescription. L’article 2238 du Code civil dispose :
« La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative ».
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. »
Extension de la représentation obligatoire par un avocat
Au Tribunal judiciaire
Le nouvel article 760 du Code de procédure civile issu de l’article 1 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 pose le principe selon lequel les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.
Désormais, même pour les procédures de référé ou sur requête, les parties doivent constituer avocat sauf des cas de dispense expressément prévus par la loi.
Les exceptions à la représentation obligatoire figurent à l’article 761 du Code de procédure civile :
1) Les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
2) Les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire (* certains contentieux électoraux) ;
3) Lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros.
Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande.
Lorsque la représentation est obligatoire, les parties doivent être représentées par des avocats qui ont établi leur résidence professionnelle dans le ressort du tribunal judiciaire saisi.
Au tribunal de commerce
Pour le tribunal de commerce, le nouvel article 853 du Code de procédure civile issu de l’article 2 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 dispose désormais que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce.
Les exceptions à la représentation obligatoire sont prévues dans le même article :
1) La demande portant sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros ;
2) Dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce (entreprises en difficulté) ;
3) Les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés.
Dans ces cas, elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.
À la différence du tribunal judiciaire, devant le tribunal de commerce, il n’y a pas de monopole territorial de l’avocat. Les parties peuvent être représentées par des avocats n’ayant pas leur résidence professionnelle dans le ressort du tribunal commercial saisi.
Pour les procédures sur requête, la nouvelle rédaction de l’article 874 du code de procédure civile dispense les parties de constituer avocat en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession.
Devant les juridictions spécialisées
Depuis la réforme de 2019, la représentation par avocat est obligatoire dans les contentieux spéciaux suivants :
Contentieux de la fixation des loyers commerciaux (articles R145-23 et suivants du Code de commerce)
Contentieux familial pour la demande de révision de la prestation compensatoire et dans la procédure de retrait total ou partiel de l’autorité parentale, sauf pour les demandes de délégation de l’autorité parentale (articles 1139, 1140 et 1203 du Code de procédure civile)
Contentieux de l’établissement de l’impôt (articles R 202-2 et R 202-4 du livre des procédures fiscales)
Procédures devant le juge de l’exécution, sauf pour une demande relative à l’expulsion ou quand la demande a pour origine une créance ne dépassant pas 10 000 euros.
Extension de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir
Les fins de non-recevoir sont des « moyens qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » (article 122 du Code de procédure civile).
Avant la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état (JME) était déjà seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et incidents mettant fin à l’instance (transaction, acquiescement, péremption, caducité, désistement, décès d’une partie) qui doivent lui être soumis avant toute défense au fond.
Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 a modifié l’article 789 du Code de procédure civile qui dispose désormais que « le juge de la mise en état est seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (…) statuer sur les fins de non-recevoir ».
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
Si une des parties s’y oppose (dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique), le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
Pour invoquer une fin de non-recevoir, la partie souhaitant le faire doit saisir le juge de la mise en état par des conclusions « qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions au sens de l’article 768 » du Code de procédure civile, à savoir par des conclusions d’incident distinctes de celle au fond. A la différence des exceptions de procédure, la fin de non-recevoir n’a pas à être soulevée in limine litis, mais le moyen d’irrecevabilité contenu uniquement dans des conclusions au fond ne saisirait pas le juge de la mise en état et sera déclaré irrecevable (pour les exceptions de procédure, Cour de cassation, 2e chambre civile, 12 mai 2016, n°14-25054).
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
L’ordonnance du juge de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir est susceptible d’appel dans le délai de 15 jours à compter de sa signification.
Procédure accélérée au fond
Le décret n°2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires a supprimé l’ancienne procédure « en la forme des référés », pour lui substituer ce que le nouveau régime désigne désormais par la « procédure accélérée au fond ». Le nouvel article 481-1 du Code de procédure civile dispose désormais :
« A moins qu’il en soit disposé autrement, lorsqu’il est prévu par la loi ou le règlement qu’il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes :
1° La demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet ;
2° Le juge est saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe avant la date fixée pour l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie ;
3° Le jour de l’audience, le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. La procédure est orale ;
4° Le juge a la faculté de renvoyer l’affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date, qui statuera selon la procédure accélérée au fond ;
5° A titre exceptionnel, en cas d’urgence manifeste à raison notamment d’un délai imposé par la loi ou le règlement, le président du tribunal, statuant sur requête, peut autoriser à assigner à une heure qu’il indique, même les jours fériés ou chômés ;
6° Le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6 ;
7° La décision du juge peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande.
Le délai d’appel ou d’opposition est de quinze jours. »
La procédure d’appel contre un jugement résultant d’une procédure accélérée au fond est celle de l’article 905 du Code de procédure civile (circuit court).
En droit civil, cette procédure concerne notamment les contentieux en matière d’indivision ou de succession (demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9, du deuxième alinéa de l’article 814, et des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du Code civil) (article 1380 du Code de procédure civile).
Exécution provisoire de droit
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 consacre le principe de l’exécution provisoire de plein droit des décisions de justice.
Avant la réforme, l’effet suspensif de l’appel rendait impossible l’exécution de la décision attaquée, sauf si elle bénéficie de l’exécution provisoire.
Après la réforme, l’exécution provisoire est devenue le principe et le nouvel article 514 du Code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »
L’exécution provisoire de droit peut être écartée par le juge s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Dans ce cas, le juge statue d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée (article 514-1 du Code de procédure civile).
Comme avant la réforme, en cas d’appel, il est possible de demander l’arrêt de l’exécution provisoire devant le premier président.
Mais ses conditions ont été considérablement alourdies, et la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de la première instance (article 514-3 du Code de procédure civile).
Réforme de la procédure de divorce
La procédure contentieuse de divorce a été réformée par un autre décret issu de la loi n°2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme sur la Justice du 23 mars 2019 : le décret n°2019-1380 du 17 décembre 2019 relatif à la procédure applicable aux divorces contentieux et à la séparation de corps ou au divorce sans intervention judiciaire. Cette réforme est applicable à compter du 1er juillet 2021 (Initialement prévu au 1er septembre 2020, l’entrée en vigueur de cette réforme a été reportée au 1er juillet 2021 par le décret n°2020-1641 du 22 décembre 2020).
Avant la réforme, le divorce contentieux se décomposait en deux étapes, la première phase de conciliation et la deuxième phase de contentieux. Pour la première phase de conciliation, la procédure était orale et les conclusions n’étaient pas obligatoires. Le demandeur saisissait le Tribunal par la requête en divorce, et le Tribunal convoquait les parties à une audience de conciliation pendant laquelle le juge mettait les époux d’accord sur le principe du divorce et sur ses effets.
Cette « tentative de conciliation » par le juge dans la première phrase de divorce contentieux, instituée par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, s’étant avérée inutile, depuis le 1er juillet 2021, la phase de conciliation est supprimée et le ministère d’avocat est obligatoire dès le début de la procédure. L’audience de conciliation est remplacée par la nouvelle « audience d’orientation et sur mesures provisoires » (nouvel article 1107 du code de procédure issu de l’article 5 du décret n°2019-1380).
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