L’assimilation à un licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une démission du salarié imputable à l’employeur
A la différence du licenciement, la démission n’est soumise à aucune exigence formelle et peut être exprimée verbalement ou résulter d’un comportement sans ambiguïté du salarié tel qu’une absence prolongée du salarié sans motif.
Toutefois, une démission ne peut résulter que d’une manifestation non équivoque de volonté de mettre fin au contrat de travail de la part du salarié. Une telle volonté n’est pas caractérisée par exemple lorsque le salarié ne se présente plus au travail, même pendant une longue période et sans motif, ou lorsqu’il refuse de poursuivre l’exécution du contrat. Il appartient alors à l’employeur de demander au salarié absent les raisons de son absence, et s’il ne répond pas dans un délai raisonnable, d’engager une procédure de licenciement pour faute.
Lorsque le salarié démissionne en reprochant à l’employeur de n’avoir pas respecté ses obligations contractuelles, cette rupture s’analyse en une prise d’acte qui produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, une démission (Cass. Soc., 15 mars 2006, n° 03-45031, 13 décembre 2006, n°04-40527, 30 octobre 2007, n° 06-43327).
En l’espèce, Laurence C., la salariée d’une société exploitant un magasin de vente de chaussures, SARL MJ, a notifié sa démission à l’employeur en invoquant des propos injurieux et discriminatoires qu’aurait tenus la gérante à son encontre devant témoins. La SARL MJ Chaussures a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges aux fins de voir condamner la salariée démissionnaire à des dommages-intérêts incluant le préavis qu’elle aurait dû effectuer. Laurence C. a demandé reconventionnellement au conseil de prud’hommes de condamner la SARL MJ Chaussures à lui payer les dommages et intérêts.
Par jugement du 22 juin 2009, le conseil de prud’hommes de Limoges a fait droit aux demandes de la salariée. L’employeur a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 18 janvier 2010, la cour d’appel de Limoges a confirmé le jugement des premiers juges en considérant que les propos injurieux à sujet de Laurence C., tenu par la gérante de la SARL devant un autre salarié : « Cette salope de juive, il n’y a que le fric qui l’intéresse. En plus, elle est cocue et elle ne le sait même pas » était de nature à discréditer la salariée auprès de ses collègues et que la salariée était légitimement fondée à soutenir que de tels agissements étaient propres à lui interdire de poursuivre la relation de travail. En qualifiant la rupture du contrat de travail imputable à l’employeur de son fait fautif comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour a condamné l’employeur à payer à la salariée : 18 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 500 euros au titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral, 2 030 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 203 euros au titre de congés payés correspondants, 2 030 euros au titre de l’indemnité de licenciement et 6 090 euros au titre des articles L 8223-1 et L 8221-5 du Code du travail.