Nécessité de démontrer l’existence d’une faute distincte de la contrefaçon dans une action en concurrence déloyale

Com., 23 mars 2010, n° 09-65844, Sté Land c/ Chanel, n° 09-66987, Sté Marm c/ Chanel, n° 09-66522, Sté Béry c/ Chanel

A la différence de l’action en contrefaçon qui est la sanction et la prévention de l’attente au droit privatif, l’action en concurrence déloyale a pour l’objet de prévenir et sanctionner l’utilisation de procédés déloyaux dans la concurrence sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle (articles 1382 et 1383 du Code civil). De ce fait, le succès d’une action en concurrence déloyale est subordonné à trois conditions : l’existence d’une faute (la confusion, le dénigrement, la désorganisation, etc.), d’un préjudice (chute des ventes, perte de notoriété ou d’image, risque de confusion avec les produits ou services concurrents) et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En pratique, l’action en concurrence déloyale est souvent invoquée dans l’action en contrefaçon, comme auxiliaire de la protection de droit de propriété intellectuelle. Dans ce cas, le demandeur doit présenter son action devant le TGI du lieu du fait dommageable du lieu où le dommage a été subi sauf pour la contrefaçon de brevet dont l’action doit être portée exclusivement devant le TGI de Paris depuis novembre 2009 (article L 615-18 du Code de la propriété intellectuelle).

Toutefois, bien que l’action en concurrence déloyale soit devenue un complément de l’action en contrefaçon, leur acception n’est pas la même parce que ces deux actions ne tendent pas aux mêmes fins. Ainsi, le cumul des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale n’est possible qu’à condition qu’il existe des faits fautifs distincts de ceux constitutifs de contrefaçon, à savoir l’attente portée à un droit de propriété intellectuelle.

En l’espèce, la société Chanel a agi à l’encontre des sociétés Land, Marm et Béry pour contrefaçon et concurrence déloyale après que ces sociétés avaient proposé à la vente des produits de parfumerie et cosmétiques de marque « Chanel » acquis auprès de la société Futura finances qui les avait achetés dans le cadre d’une vente aux enchères publiques du stock d’un distributeur agréé, la société Galeries Rémoises, mise en liquidation judiciaire. Les Cours d’appel de Chambéry, d’Agen et de Rennes ont condamné les sociétés Land, Marm et Béry pour contrefaçon et concurrence déloyale, en considérant que le contexte et les conditions d’exposition à la vente des produits Chanel par ces trois sociétés (une solderie en libre-service aménagée dans un hangar situé dans une zone industrielle et commerciale) et la publicité ayant accompagné l’opération commerciale affectaient négativement la valeur de la marque en ternissant l’allure et l’image de prestige des produits de luxe de la société Chanel. La Cour de cassation a cassé les deux arrêts d’appel (aff. Land c/ Chanel et Marm c/ Chanel) pour n’avoir pas caractérisé des faits distincts de ceux retenus pour justifier la condamnation pour usage illicite de la marque.

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