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Indemnité de rupture du contrat d’agent commercial : la charge de la preuve de l’imputabilité de la rupture

Cass. Com., 21 juin 2016, n°15-10948, Dgpp c. Celinho

La législation actuelle sur l’agent commercial (art. L 134-1 à L 134-17 et R 134-1 à R 134-17 du Code de commerce) est issue de la directive européenne n°86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986.

Aux termes de l’article 134-1 du Code de commerce, l’agent commercial est un mandataire, personne physique ou morale, qui remplit les conditions suivantes :

• Indépendance – ce qui exclut l’existence d’un lien de subordination entre le mandant et l’agent ;

• Chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte du mandant.

Pour être qualifié d’agent commercial, le mandataire doit disposer, de façon permanente, d’un pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de son mandant. Ainsi, selon la jurisprudence établie de la Cour de cassation, l’intermédiaire, dont l’activité consiste en la promotion des produits ou des services d’une société sans pouvoir négocier des contrats – notamment le prix des produits et le tarif des services – avec la clientèle, ne peut bénéficier du statut d’agent commercial (Com. 9 décembre 2014, n°13-22476, Duravit c. ACE ; 27 avril 2011, n° 10-14851, Cephalon c. Exan Limited ; 15 janvier 2008, n° 06-14698, SFR c. RCE ; 20 janvier 2015, n°13-24231, Covidien c. M.X).

Le contrat d’agent commercial est un mandat d’intérêt commun par lequel chacune des parties développe son entreprise en développant l’activité commune. La loi prévoit des dispositions protectrices d’ordre public de l’agent commercial applicables à l’occasion de la cessation des relations contractuelles, compte tenu du fait que l’agent perd la clientèle qu’il a contribué à développer, alors que son mandant en conserve l’exploitation.

Tout d’abord, pour rompre un contrat d’agent commercial, le mandant doit respecter un délai de préavis, à moins que le contrat prenne fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou de la survenance d’un cas de force majeure.

La durée de ce préavis et d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes (article L 134-11, al. 2 du Code de commerce). Les parties ne peuvent convenir de délai de préavis plus courts.

Ensuite, en cas de cessation des relations commerciales avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité de rupture destinée à compenser le préjudice découlant de la cessation de ses relations avec le mandant. Pour bénéficier de ce droit à l’indemnisation, il suffit pour l’agent de notifier au mandant qu’il entend faire valoir ses droits, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat (art. L 134-12 du Code de commerce).

La loi ne fixe pas le montant de l’indemnité de rupture dont bénéficie l’agent commercial et c’est au juge qu’il appartient d’apprécier souverainement son montant. L’usage des tribunaux fixe toutefois le montant de cette indemnité à deux années de commissions, calculées sur la moyenne des trois dernières années d’exécution du mandant multipliée par deux, à moins que les parties n’apportent la preuve d’un préjudice différent.

Enfin, lorsqu’une clause de non-concurrence est insérée dans un contrat d’agent commercial, cette clause doit concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le type de biens ou de services pour lesquels l’agent exerce la représentation aux termes du mandat. Par ailleurs, la clause de non-concurrence n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d’un contrat (article L 134-14 du Code de commerce).

Toute clause ou convention contraire à ces dispositions est réputée non écrite et ne peut donc recevoir application (article L 134-16 du Code de commerce).

L’indemnité de rupture de l’article L 134-12 du Code de commerce est cumulable avec l’indemnité de préavis lorsque le mandant ne respecte pas le préavis prévu à l’article L 134-11 du Code de commerce, ou avec des dommages-intérêts pour rupture abusive sur le fondement de l’article 1382 du Code civil lorsque les circonstances de la rupture révèlent un comportement fautif du mandant. En revanche, quel que soit la durée du contrat d’agent commercial, les dispositions de l’article L 442-6, I, 5° du Code de commerce ne sont pas applicables à la rupture du contrat d’agent commercial.

L’article L 134-13 du Code de commerce prévoit deux cas d’exclusion de l’indemnité de rupture.
L’indemnité de l’article L 134-12 n’est pas due (i) en cas de faute grave de l’agent commercial rendant impossible la poursuite des relations contractuelles, ou (ii) lorsque la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent commercial lui-même.

En prouvant l’existence d’une de ces circonstances, le mandant peut échapper à son obligation de l’indemniser à la fin de relations contractuelles.

En cas de contentieux, c’est au mandant d’apporter la preuve de la faute grave de l’agent ou de la rupture à l’initiative de ce dernier, s’il entend éviter d’avoir à verser l’indemnité de rupture. Ce n’est pas à l’agent, demandeur en paiement de l’indemnité, de prouver que la rupture du contrat est imputable au mandant (Com, 26 juin 2012, n° 11-19446, Toleco c. Comeltec ; 8 février 2011, n°10-30527, Planchet c. Emile Garcin Provence).

C’est ce principe qui a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juin 2016.

En l’espèce, la société DGPP a assigné la société CELINHO, un fabricant de chaussures, en demande de paiement des indemnités de préavis et de cessation de contrat d’agent commercial.

Devant la justice, la société DGPP soutenait qu’au cours d’un entretien du 23 août 2011, la société CELINHO avait fait part de son intention de mettre un terme à leur relation contractuelle, et qu’elle ne lui avait plus permis d’exercer son activité, faute de lui fournir les marchandises réclamées à plusieurs reprises.

Or, l’agent n’apportait aucune preuve établissant la date de la rupture, ni l’intention de la société CELINHO de mettre un terme à leur relation contractuelle. L’agent produisait seulement la mise en demeure de reprendre les relations commerciales adressée à la société CELINHO le 3 octobre 2011 et qui demeurait sans effet, prouvant uniquement le fait que la relation contractuelle entre les parties cessait à cette date.

La cour d’appel de Rennes, comme les juges de la première instance, a condamné la société CELINHO à payer les indemnités de préavis et de rupture à la société DGPP, en considérant que la rupture du contrat était imputable à la société mandante et que cette rupture pouvait être datée du 23 août 2011.

La société CELINHO s’est pourvue en cassation, en affirmant qu’il appartenait à l’agent commercial, demandeur de l’indemnité de rupture de prouver, à défaut d’avoir reçu une décision de rupture, que la rupture du contrat est imputable à ce dernier. Elle reprochait la cour d’appel d’avoir constaté que les relations entre les parties avaient cessé de fait fin août 2011, alors qu’il n’existait aucun élément de preuve établissant la date de la rupture.

Par arrêt du 21 juin 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en considérant que la cour d’appel n’avait pas inversé la charge de la preuve et qu’elle pouvait déduire, à partir des faits qu’elle avait souverainement constatés que la société CELINHO était à l’origine de la cessation des relations contractuelles.

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